Lettre adressée par Michel LIEBGOTT au Président de la République à propos de l'annonce faite par les services ANPE aux associations et aux collectivités territoriales de non reconduction des contrats aidés du type CAE et CA
Monsieur le Président de la République,
La loi de Programmation pour la cohésion sociale du 18 janvier 2005 a institué, dans ses articles 44 et 49, les Contrats d’Accompagnement vers l’Emploi (CAE) et les Contrats d’Avenir (CA). Le premier contrat est destiné à faciliter l’insertion des personnes sans emploi rencontrant des difficultés sociales et professionnelles particulières d’accès à l’emploi et le second doit permettre de favoriser le retour à l'emploi des personnes bénéficiant du revenu minimum d'insertion (RMI), de l'allocation de solidarité spécifique (ASS), de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) ou de l'allocation de parent isolé (API).
Les collectivités territoriales, notamment les communes, comme les associations à but non lucratif oeuvrant dans le champ de l’action sociale, ont très fréquemment recours à ces contrats permettant à un public spécifique, souvent en grande difficulté sociale, de trouver au-delà d’une source de revenus, un moyen de se former et de se réadapter au monde du travail. Dans les communes, ces contrats permettent également de satisfaire des missions temporaires ou appelant une grande flexibilité horaire. C’est notamment le cas des personnels affectés à la sécurité aux abords des établissements scolaires.
Lors de l’examen du projet de loi de finances 2007, à propos du projet annuel de performance Travail Emploi et des crédits affectés au programme n°102 concernant l’accès et le retour à l’emploi, j’avais émis des réserves quant à la suffisance des moyens consacrés aux CAE et aux CA (Assemblée Nationale – Séance du 09 novembre 2006). Or, selon les informations données par les Directions Départementales du Travail et de l’Emploi aux ANPE, il semblerait désormais que les autorisations d’engagement (774 millions d’euros pour les CAE et de 623 millions d’euros pour le CA, prévues pour l’exercice 2007) ne permettent pas de conclure ou de reconduire de nouveaux contrats de ce type, à l’exception de ceux relatifs aux chantiers d’insertion ou en lien avec les missions éducatives de l’Ecole. Pour terminer l’année, il s’agirait donc de redéployer les crédits en direction de mesures jugées prioritaires au détriment d’autres.
Dans la circonscription de Thionville Ouest dont je suis député, plusieurs mairies et associations ont ainsi été informées par les antennes locales de l’ANPE que, début août, en plein dans la période estivale, 75% de l’enveloppe affectée à ces contrats aidés avait été utilisée et qu’en conséquence les renouvellements ou la signature de nouveaux contrats n’étaient plus possibles.
Cela pose évidement des problèmes financiers importants aux communes et aux associations qui avaient prévues des embauches de ce type à la rentrée. Certaines d’entres elles avaient même déjà procédé à des entretiens d’embauche avec des personnes susceptibles d’entrer dans ces dispositifs. S’agissant des collectivités territoriales, je considère même qu’il s’agit là, une fois encore, d’un véritable transfert de l’Etat sans financement. Méthode dont il n’échappe désormais à personne qu’elle se généralise tant l’Etat est devenu impécunieux pour satisfaire des promesses fiscales particulièrement onéreuses. En effet, ces embauches devront de toute façon être réalisées, au travers de contrat de droit public traditionnel, car elles répondent pour la plupart à des missions de service public.
D’autres établissements du département de la Moselle, notamment pour l’hébergement de personnes âgées dépendantes pour qui ces emplois sont cruciaux, m’ont fait part de leur mécontentement quant à cette décision qu’ils estiment totalement injuste et en parfaite contradiction avec vos promesses s’agissant de la mise en place d’un plan ambitieux dans le cadre du 5ème risque.
Permettez-moi de constater, Monsieur le Président de la République, que les contrats aidés ne sont définitivement plus une priorité de l’action de l’Etat, quand bien même sur le terrain de l’accompagnement social et celui de l’insertion professionnelle, chacun en perçoit la grande l’utilité. Il n’est pas inutile de rappeler que ces contrats avaient été créés par le Gouvernement Jospin (Emplois jeunes, CES, CEC, adultes relais…), qu’ils ont été idéologiquement sacrifiés par le Gouvernement Raffarin puis réhabilités par le Gouvernement Villepin, sous l’impulsion de Jean-Louis Borloo, lequel avait d’ailleurs reconnu toute l’importance de ces dispositifs lors des débats parlementaires sur la cohésion sociale. De surcroît, ce n’est pas la première fois, loin s’en faut, que l’on assiste impuissant à de tels réajustements budgétaires. Déjà l’an passé, des crédits avaient été gelés, toujours pour les mêmes postes budgétaires, notamment en direction des associations qui avaient, à l’époque, fait part de leur courroux. D’ailleurs, les analyses des rapports annuels de la Cour des Comptes relèvent « l’inconstance des politiques de l’emploi ». Il faut dire que l’attitude des services de l’Etat est particulièrement déconcertante. Que dire en effet quand, dès le vote des lois de finance, les DDTE, à grand renfort de réunions et de communications, incitent le monde associatif et les collectivités à procéder à des embauches via ces contrats, et que quelques mois après seulement, les mêmes, via des mails et sans information préalable des parlementaires, gèlent les crédits, les redéploient, et demandent à ce que les recrutements soient stoppés. C’est totalement incompréhensible.
Je veux également ajouter que la neutralisation de ces postes ou la minimisation des crédits par rapport à la demande, ne se traduira pas par des économies budgétaires à court terme. En effet, le public visé par ces contrats entrera inéluctablement dans le champ des indemnisations de l’ASSEDIC, pour ceux à qui le contrat n’a pas été renouvelé, ou dans d’autres dispositifs, très coûteux pour les contribuables, quand il n’y a pas eu de recrutement. De nombreuses personnes pourraient donc relever de dispositifs d’assistance, ce qui, vous en conviendrez, est en parfaite contradiction avec la valeur travail que vous avez portée lors de la campagne présidentielle.
Dans l’attente de votre réponse, je vous prie de croire, Monsieur le Président de la République, en l’expression de ma parfaite considération.
Michel LIEBGOTT