Monsieur le Président de la République,
Lors de votre venue à l’usine ArcelorMittal de Gandrange le 4 février dernier, vous avez dit vouloir tout mettre en œuvre pour sauver cette entité industrielle sidérurgique ô combien importante tant pour le bassin de vie Nord Mosellan, que pour notre Pays.
Dans le cadre de l’accord de méthode entre les organisations professionnelles et la direction du leader mondial de l’acier, le cabinet SYNDEX, mandaté par le Comité d’Entreprise, vient de transmettre son expertise. Celle-ci doit donner lieu à un avis de la direction le 04 avril prochain.
Lors d’une réunion à laquelle j’ai participé, les partenaires sociaux (CFDT et CFE/CGC) ont rendu public les éléments principaux de ce rapport, qui établi un diagnostic précis de la situation de l’usine et qui dessine des pistes très intéressantes pour son redressement autour de 4 grands axes.
S’agissant de la Gestion Prévisionnelle des Emplois et des Compétences, le rapport souligne les coûts techniques induits des retards d’embauches, mais aussi l’emploi abusif de contrats intérimaires (plus de 1000 par an), par la direction locale du site. Ainsi, à partir de 2005, c’est-à-dire au paroxysme de la transition générationnelle, tous les indicateurs techniques se sont effondrés. Pour lever ce problème, il faut faire de Gandrange une usine « entreprenante » pour reprendre les termes du rapport, il faut investir dans la formation, dans le tutorat, pour un coût estimé de l’ordre de 3.5 à 5 millions d’euros.
A propos du positionnement commercial de l’usine, là encore les erreurs stratégiques se sont accumulées. En diversifiant de manière trop importante les productions, la direction a mis en difficulté le site. Selon SYNDEX, il est donc impératif de recentrer la production autour de 4 métiers et non plus 7, de répartir de manière égale les débouchés entre les aciers hauts et bas de gamme. Les frais fixes pourront dès lors être couverts par les aciers béton, dont la demande continue de progresser, et les bénéfices, que le cabinet d’études estime possibles à l’échéance 2010, seraient assurés par la vente des produits à haute valeur ajoutée.
Si les aspects humains et commerciaux ont donné lieu à des choix malvenus dans le contexte économique et social, les investissements dans l’appareil de production, contrairement aux affirmations de la direction qui évoque 60 millions d’euros d’investissement depuis le rachat de l’usine à Usinor en 1999, ont été tout autant insuffisants. En effet, le cabinet SYNDEX confirme ce qu’ont évoqué les syndicats depuis l’annonce de la fermeture, en l’espèce qu’il n’y a pas eu d’investissement réel, mais uniquement de l’entretien, voire de la réparation. La remise à niveau des outils a été évaluée à 40 millions d’euros pour la partie aciérie et à 5.5 millions d’euros pour le Train à Billettes (TAB).
Enfin, la question du management, au niveau international comme au niveau local, explique également les difficultés du site. La pression des actionnaires, les mesures de remplacement limité à 1 personne sur 2, imposées par la direction européenne des produits plats et les errements de la direction locale, ont causé de graves disfonctionnements dans la chaîne managériale du site de Gandrange.
Pour résumer, le rapport déposé à la Direction indique très clairement un empilement d’erreurs stratégiques. Il démontre également très bien que le coût de la fermeture de l’usine serait plus important que celui de sa pérennisation. Les coûts des transferts des productions et du plan social sont estimés à 55 millions d’euros alors que ceux du scénario de maintien retenu n’en représentent que 50 (5 millions d’euros pour la formation, 45 millions d’euros pour moderniser l’appareil de production).
En termes de débouchés, là encore tout concorde pour dire que le marché UE25 est porteur, à condition de produire également des aciers bétons. L’analyse sur les dernières années montre effectivement une progression des productions de l’ordre 2 millions de tonnes par an, alors que Gandrange n’en produirait qu’un peu plus d’un million de tonnes. En conséquence de quoi, ainsi que j’ai pu le dire à Gandrange, il y a de la place pour le maintien de Gandrange et pour la construction d’une nouvelle unité de laminage à Duisbourg en Allemagne, dont la décision de création n’est d’ailleurs pas encore prise.
Les salariés et les organisations syndicales, sur la base de cette étude, pensent que Lakshmi MITTAL n’est par en possession de tous les éléments pour bien comprendre la situation de l’usine de Gandrange, pour bien sérier son intérêt stratégique et les bénéfices qu’elle pourrait dégager à très court terme. Ils sont même persuadés que le Directeur des Produits Plats Europe, en l’espèce Gerhard RENTZ, tente de renforcer les unités de production allemandes au détriment de Gandrange, ce qui est tout à fait inacceptable.
Monsieur le Président de la République, ce qui distingue notre Pays de ses voisins européens, c’est l’absence totale de politique industrielle. Au Grand Duché de Luxembourg, en Belgique, ou en Allemagne, l’Etat et les collectivités publiques se sont largement investis pour pérenniser leurs entités de production sidérurgique, voire pour en rouvrir (haut-fourneau de Liège). Pour continuer d’exister sur la scène industrielle internationale, L’Etat français doit, plus que jamais, s’inscrire dans la même logique que ces pays. Il doit peser sur la décision qui doit être prise par ArcelorMittal d’ici le 4 avril, pour pérenniser Gandrange à l’intérieur du périmètre du groupe ArcelorMittal et n’envisager la reprise qu’en cas d’échec de toutes les négociations.
Dans l’attente de votre réponse, je vous prie de croire, Monsieur le Président de la République, en l’expression de ma très haute considération.
Michel LIEBGOTT