Madame, Monsieur,
Vous avez appelé mon attention sur la question des OGM et de l’examen du projet de loi y relatif et je vous en remercie.
En premier lieu, sans même rappeler les récents évènements lamentables autour de Nathalie KOSCIUSKO-MORIZET, Secrétaire d’Etat chargée de l’écologie, nous devons nous étonner des atermoiements successifs du Président de la République sur ce sujet. Après qu’il ait dit ses interrogations au cours de la campagne présidentielle, Nicolas Sarkozy a choisi de proposer un moratoire temporaire sur les semis de maïs OGM dans l’attente de l’adoption d’une loi spécifique nécessaire pour définir les règles d’une éventuelle coexistence des cultures ainsi que les questions de responsabilité sanitaire et environnementale. Ce moratoire n’a été dans un premier temps accepté par le syndicat majoritaire agricole que parce qu’il n’entamait en rien la possibilité de semer aux mois d’avril et mai, la loi devant être votée à cette date. Mais nous savons que le Grenelle de l’environnement a abouti à des conclusions pour le moins très prudentes sur les OGM alors que les français sont résolument opposés à ce mode de culture.
En ce début de mois de janvier 2008, nous avons assisté à un cafouillage très inquiétant qui ne concourt pas à une très grande lisibilité des politiques publiques de l’environnement. Dans ses vœux du 8 janvier, Nicolas Sarkozy a décidé de reporter l’examen du texte pour qu’il ne soit pas fait le procès d’une discussion parlementaire expédiée dans l’urgence. Ainsi, il a remis en cause le calendrier qu’il avait lui-même fixé. Il montre par là, l’impréparation majeure dont le dossier a fait preuve par son Gouvernement, mais aussi les désaccords profonds au sein de sa majorité sur le sujet.
Mais ce report n’était que de quelques semaines, puisque l’examen a été fixé en première lecture devant le Sénat le 5 février. Au-delà d’une volonté de discussion dans la sérénité, le recul de la discussion parlementaire apparaît bien plus comme une manœuvre destinée à reporter le débat après les élections municipales.
Au-delà du débat sur la calendrier d’examen parlementaire, le Président Sarkozy a évoqué la mise en œuvre de la clause de sauvegarde prévue par l’article 23 de la directive 2001/18/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 mars 2001 relative à la dissémination volontaire d'organismes génétiquement modifiés dans l'environnement et abrogeant la directive 90/220/CEE du Conseil. Cette clause pose que « Lorsqu'un État membre, en raison d'informations nouvelles ou complémentaires, devenues disponibles après que l'autorisation a été donnée et qui affectent l'évaluation des risques pour l'environnement ou en raison de la réévaluation des informations existantes sur la base de connaissances scientifiques nouvelles ou complémentaires, a des raisons précises de considérer qu'un OGM en tant que produit ou élément de produit ayant fait l'objet d'une notification en bonne et due forme et d'une autorisation écrite conformément à la présente directive présente un risque pour la santé humaine ou l'environnement, il peut limiter ou interdire, à titre provisoire, l'utilisation et/ou la vente de cet OGM en tant que produit ou élément de produit sur son territoire. L'État membre veille à ce qu'en cas de risque grave, des mesures d'urgence consistant, par exemple, à suspendre la mise sur le marché ou à y mettre fin, soient prises, y compris en ce qui concerne l'information du public. »
L’avis du comité de préfiguration de la Haute autorité sur les OGM qui, le 9 janvier, fait état d'éléments liés à un certain nombre de faits scientifiques négatifs impactant notamment la flore et la faune sur le maïs OGM Mon 810 a donné tous les éléments permettant l’activation de la clause de sauvegarde. Il n’existe pas d’alternative à notre sens. Nous ne pouvons donc qu’approuver la décision du Gouvernement, que nous avons encouragée, d’actionner la clause de sauvegarde. Devant ce dossier, nous remarquons que seule la FNSEA a dit son souhait de ne pas recourir à la clause de sauvegarde, contrairement aux autres syndicats agricoles, demandeurs de cette action.
Pour notre part, nous regrettons la position encore trop floue du Gouvernement qui fragilise les professionnels et désoriente les consommateurs. Nous continuons de penser que les plantes génétiquement modifiées ne peuvent être acceptées par notre société que si elles présentent des avantages certains et si leur éventuelle mise sur le marché n’a pas pour corollaire l’adoption du principe de la brevetabilité du vivant. Or, ces deux conditions ne sont absolument pas réunies pour le moment.
En outre, toute l’action de la majorité depuis plus de cinq ans apparaît marquée par le non dit. Il est ainsi remarquable que le Groupe UMP de l’Assemblée nationale se soit désolidarisé le mardi 15 janvier de la démarche du Gouvernement impulsée par le Président Sarkozy. Les parlementaires UMP, après les très vives critiques du Président de l’Assemblée nationale à l’endroit du Comité de préfiguration de la Haute autorité, ont même pu dire qu’ils n’avaient « pas été suffisamment informés sur le grenelle de l’environnement ». En réalité, la majorité parlementaire ne souhaite pas passer aux actes, et révèle ses vieux réflexes anti-écologiques.
Pour notre part, nous sommes clairs. Les plantes OGM actuellement mises en culture ne présentent pas d'avantages décisifs sur le plan économique et posent de graves questions sur le plan de la santé, de l'environnement, sans jamais répondre aux problèmes liés à la faim dans le monde. Au contraire, elles constituent pour le moment un cheval de Troie pour la conception américaine des brevets qui pourrait nous conduire vers une appropriation du vivant par de grandes firmes privées multinationales.
La biodiversité est un patrimoine commun de l’humanité. Les agriculteurs du monde ont le droit de choisir et de maîtriser leur modèle de développement sans qu’il leur soit imposé, dans le respect de l’environnement.
Nous constatons en outre que peu de recherches sont menées de façon objective et désintéressée sur les effets pour la santé et l'environnement. Cette absence d’évaluation - outre le fait qu’elle ignore le principe de précaution - installe le soupçon sur l’ensemble des travaux du génie génétique et leurs possibles applications ultérieures dans les domaines de la santé et de l’environnement.
Un effort de recherche soutenu dans ce domaine doit être impulsé. Le maintien d'une recherche de haut niveau est essentiel pour préserver notre capacité d'innovations, d'expertise et notre autonomie de décision, dans un domaine où nous risquons de nous faire imposer des choix de société. Il faut notamment développer l'indispensable recherche médicale à long terme sur les effets des OGM, en particulier en toxicologie. Cette recherche doit évidemment être strictement encadrée et reposer largement sur l'action publique.
Pour l’heure nous restons donc opposés au brevetage du vivant et au pillage par les multinationales des ressources génétiques qui constituent le patrimoine commun de l'humanité ; nous demeurons opposés aux cultures d'OGM en plein champ ; et favorables au développement d'une recherche d'excellence conduite dans la transparence, selon des protocoles stricts et encadrés de mise en oeuvre et d'évaluation, par des organismes publics correctement financés.
Pour toutes ces raisons, le 9 avril dernier, lors du vote solennel, j’ai voté contre le projet relatif aux organismes génétiquement modifié.
Restant à votre entière disposition pour de plus amples informations,
Je vous prie de croire, Monsieur, en l’expression de ma parfaite considération
Michel LIEBGOTT