Extraits de l'intervention de Michel LIEBGOTT (1er juillet 2008) dans le cadre de la discussion générale du projet de loi sur la démocratie sociale et la réforme du temps de travail:
M. le président. La parole est à M. Michel Liebgott.
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Encore un socialiste ?
M. Christian Paul. Où est passée l’UMP ?
M. Michel Liebgott. Puisque les députés de l’UMP n’interviennent pas, il faut bien que nous prenions leur place. Mais ce ne sera évidemment pas pour tenir le même type de discours !
Faut-il vraiment travailler plus pour gagner plus ? C’est la question que tous les Français se posent aujourd’hui, après tant d’années de gouvernement de droite. À force de regarder des feuilletons télévisés comme « Plus belle la vie », qui fait les délices des petits comme des grands,…on en vient à se demander si ce n’est pas un autre feuilleton qu’on nous rejoue ici régulièrement depuis quelques années, et qui pourrait s’intituler « Plus beau le travail, plus faible le pouvoir d’achat ».
En effet, votre antienne du « travailler plus » sert à anesthésier petit à petit le pays en lui faisant oublier l’essentiel : le pouvoir d’achat stagne, voire diminue désormais. Quitte à insister lourdement, nous ne cesserons de rappeler, aussi longtemps que vous serez au pouvoir, qu’on ne travaille pas moins en France que dans les pays voisins. Je peux même vous dire, moi qui suis élu d’un territoire voisin de ce pays, qu’on travaille plus en France qu’en Allemagne, où pourtant on vit mieux.
Il n’est que de regarder l’évolution de certains indicateurs depuis une dizaine d’années : alors que les salaires bruts ont augmenté d’environ 48 %, les loyers ont augmenté de 66 %. Devinez, messieurs de la majorité, de combien ont augmenté les dividendes distribués par les entreprises ? De 143 % !
Ne vous étonnez pas après cela que les salariés de notre pays s’interrogent sur leur pouvoir d’achat. Ils se rendent compte qu’il n’est même plus possible aujourd’hui d’accéder à un logement décent ou de se rendre sur son lieu de travail : et vous venez leur raconter qu’il faut travailler plus ! Vous imaginez bien que vos propositions ont perdu toute crédibilité, et plus vous irez loin dans ce délire du « travailler plus », plus les Français se détacheront de vous.
M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. En la matière, vous parlez d’expérience !
M. Michel Liebgott. Eux, en effet, connaissent la réalité du terrain : ils vivent quotidiennement les difficultés pour se loger, éduquer leurs enfants ou accéder à une formation professionnelle qui est pourtant un élément fondamental de leur avenir, puisque c’est l’espoir de progresser dans sa vie professionnelle. (…). Après tout je peux vous comprendre : alors que vous avez utilisé mai 1968 pour faire campagne, en l’accusant d’être à l’origine d’un prétendu laxisme, il s’avère aujourd’hui que l’opinion le considère comme un événement plutôt positif. Vous passez donc à une autre obsession : celle des 35 heures, le temps qu’il faudra pour que les Français s’appauvrissent encore un peu plus. (Protestations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.) C’est un fait que nous constatons tous les jours, en dépit des mesures que vous avez votées ces dernières années, comme les fameuses 220 heures supplémentaires, rappelons tout de même que cela correspond à un mois plein de travail… Autant dire que 80 % des salariés n’ont rien vu passer, faute d’avoir pu effectuer ces heures supplémentaires.
Mais vous allez leur expliquer une fois de plus, à grand renfort de spots télévisés, que les 35 heures sont à l’origine de la baisse du pouvoir d’achat, de la perte de compétitivité du pays, de l’accumulation des déficits publics, etc. Pourtant, bien loin d’en être convaincus, les Français se rendent compte que vous supprimez les quelques emplois aidés qui permettaient aux plus défavorisés d’être utiles à la société et de retrouver eux-mêmes un peu de dignité. Ces populations, que vous diabolisez et reléguez dans des quartiers qui partent à la dérive, vous les laissez aux bons soins des services sociaux, qui font ce qu’ils peuvent dans les communes, voire des conseils généraux, qui leur octroient le RMI sans espoir de les voir retrouver une activité. Aujourd’hui, alors que vous pensez régner dans le cœur des Français, ceux-ci vous ont quitté depuis longtemps faute de croire encore à vos promesses. S’ils y ont cru le temps d’une campagne électorale, ils rêvent aujourd’hui d’une politique socialiste qu’ils n’ont pas vue depuis six ans. (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. — Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.). Vous pouvez rire, mais le Président de la République, que vous soutenez par vos applaudissements, n’a jamais été aussi bas dans les sondages !
Une députée du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. C’est toujours comme ça quand on fait des réformes.
(…) Je ne doute pas que vous proposeriez alors aux salariés des heures supplémentaires, à l’inverse de vos amis chefs d’entreprise. En effet, vous pourrez constater vous-même qu’en dépit de dividendes en constante progression grâce à vos services, ils n’utilisent pas le contingent d’heures supplémentaires que vous leur avez octroyé au fil des années.
Si aujourd’hui vous menez un combat idéologique, c’est tout simplement parce que vous n’avez plus rien de concret à proposer. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. — Exclamations sur les bancs du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.)